Responsable du service sûreté de fonctionnement au Centre National d’Études Spatiales (CNES), Sébastien Bosse livre son retour d'expérience sur la suite logicielle GRIF, utilisée pour modéliser un système spatial complexe, composé d'un satellite, d’antennes au sol et de télescopes terrestres.
Diplômé en Mathématiques Appliquées, avec une spécialisation en risques financiers, Sébastien Bosse a fait ses premières armes dans une société toulousaine spécialisée dans la sûreté de fonctionnement. Il a ensuite rejoint le Centre National d’Études Spatiales (CNES), où il s'est consacré à l'analyse des systèmes critiques pendant une dizaine d'années. Après une parenthèse en Guyane de 3 ans, centrée sur les systèmes radars et le traitement des données de télémesures en temps réel, il a réintégré le Centre spatial de Toulouse en 2023. Aujourd'hui, il en pilote le service sûreté de fonctionnement.
Sébastien Bosse : J'ai découvert cette suite logicielle dans le cadre de mes études d'ingénieur en Mathématiques Appliquées. Nous l'utilisions notamment au cours des travaux dirigés, principalement pour calculer des ordres de défaillance, à partir des chaînes de Markov ou modéliser des systèmes à l’aide de réseaux de Pétri. C'est un outil extrêmement fiable et puissant, et j'ai tout de suite vu son potentiel pour des applications complexes.
S.B. : Pendant longtemps, le CNES a utilisé une solution développée par un ingénieur du spatial connaissant parfaitement nos besoins et qui évoluait selon nos demandes. Mais, en 2016, après un large comparatif des outils disponibles, nous avons pris la décision de migrer vers GRIF. Je connaissais déjà l'outil, et j'avais pleinement confiance dans la solidité de ses calculs et la véracité de ses résultats. Derrière, il y a aussi une équipe extrêmement compétente, à l'écoute, qui assure non seulement la pérennité de l'outil mais aussi son évolution. Cette bascule a coïncidé avec un projet concret de modélisation dans le cadre d'un projet spatial complexe.
S.B. : Le projet concernait une mission spatiale d'observation d'événements aléatoires - en l'occurrence des sursauts de rayonnements gamma (appelés bursts) - qui se produisent par exemple lors d'explosions d'étoiles.
Le système d'observation était composé d'un satellite en orbite basse, chargé de détecter ces sursauts, puis de transmettre leurs positions à de grands télescopes terrestres afin d’observer le phénomène en temps réel. Cette chaîne de transmission impliquait donc plusieurs éléments : un satellite, un réseau d'une quarantaine de stations d'antennes sol VHF (very high frequency) et des télescopes.
GRIF a permis notamment de modéliser la disponibilité des stations sol, les pannes potentielles, leur maintenance, l'orbitographie du satellite ou encore les aléas de détection… L'objectif final était de valider la faisabilité technique et économique de cette mission, avec des objectifs de performance précis. A l'aide du module Pétri, nous avons pu nous assurer du bon dimensionnement du réseau de stations et de leur politique de maintenance, fixer les exigences précises de fiabilité aux industriels, tant pour les équipements au sol que pour le satellite.
S.B. : Je dirais la précision des calculs, la richesse des modules de modélisation et l'adaptabilité de la suite logicielle. Le module Pétri permet d'aborder des systèmes très complexes, avec une rigueur analytique et une fiabilité des calculs qui viennent éclairer nos décisions. Autre point important : sa pérennité. GRIF est utilisé par des acteurs industriels majeurs, notamment TotalEnergies, ce qui garantit une évolution continue. L'équipe support est également très réactive et nous obtenons des réponses quasi-immédiates, sur des questions techniques ou des demandes spécifiques de formation.
S.B. : Absolument. Pour des systèmes relativement simples (un satellite unique par exemple), des blocs diagrammes de fiabilité suffisent. En revanche, dès que l'on aborde des constellations de satellites avec des problématiques de déploiement et/ou de renouvellement, ou des chaînes de maintenance complexes, GRIF prend tout son sens. Depuis ma première utilisation en 2008, j'ai vu une belle évolution de l'outil. Les calculs sont plus rapides et l'interface est plus intuitive, plus graphique et interactive. C'est un outil très agréable à utiliser pour ceux qui, comme moi, aiment la modélisation !
S.B. : Nous participons régulièrement à la Journée GRIF, un événement qui permet de rencontrer la communauté des utilisateurs. L'occasion d'échanger sur les bonnes pratiques, les cas d'usage, et de proposer des évolutions. Les applications de GRIF s'adaptent à de nombreux secteurs industriels, et il est toujours intéressant de mener une veille technologique…